En 1840, à Genève, lorsque Marie Solon dépose son enfant dans la boîte à Toutes-Âmes de l'Hôpital général, elle est soulagée. En allégeant sa propre vie, elle assure celle de son fils. Or, pouvait-elle se douter, comme ceux qui liront ce roman, qu'elle entame doublement sa biographie ? En chargeant les gens de bien de l'âme d'un insoumis et en leur offrant pour la première fois l'occasion d'écrire son nom : « Lundi 17 jours du mois d'août à trois heures avant midi est né à Genève, rue Beauregard N° 66, Marc Solon, enfant naturel de sexe masculin, fils de Marie Solon, domestique, âgée de 26 ans et sept mois, non mariée, exposée à Genève, domiciliée à Gy, Commune de Jussy en ce canton. »
Sa biographie aurait pu s'arrêter là et Solon rester un inconnu comme tant de pauvres fichés, et classés, dans les archives communales et cantonales. Or, il n'en a pas été ainsi.
Solon a su en intéresser plus d'un et plus d'une, par sa vie d'enfant placé et de simple voleur, mobilisant les institutions genevoises d'assistance et de justice, et les plumitifs qui se succéderont au cours du temps pour écrire sa biographie.
Parfois on se tait et n'écrit pas, et un jour on est lu et entendu. Enfin.