Apparu vers 1150, premier volet de la «triade classique» avec le
Roman d'Eneas et le Roman de Troie, le Roman de Thèbes constitue
notre premier roman, avant ceux de Chrétien de Troyes. C'est en même
temps une oeuvre plurielle, traduction, adaptation, recréation qui peut
suivre de très près son modèle ou s'en affranchir avec une extrême
liberté. Comme la Thébaïde de Stace, sa source, l'auteur médiéval conte
la guerre fratricide opposant les deux fils d'OEdipe, Étéocle et Polynice, à
la manière des chansons de geste contemporaines. Cependant le péché
de Jocaste semble bien loin, et d'autre figures féminines comme celles
d'Antigone et d'Ismène prennent un relief particulier, dans la fraîche
innocence de leurs amours. En même temps le monde antique semble
habillé aux couleurs du Moyen Âge. Mais cette pratique de
l'anachronisme est ici concertée, et la coexistence de l'antique et du
médiéval aboutit à des synthèses de caractère baroque, répondant plus
d'une fois à un goût certain de l'insolite. C'est dire que, dès son
apparition, le Roman de Thèbes frappe par sa nouveauté, son originalité
et sa liberté de ton.