De la révolution haïtienne à la révolution sud-africaine, d’une révolution contrariée à une révolution réussie, de 1791 à 1994, l’histoire de la textualité en Afrique est celle d’une longue oppression. Une histoire inséparable de la traduction, au centre de la conversation qui s’établit, tant bien que mal, entre l’Europe et l’Afrique. La traduction pose ce que Paul Ricoeur appelle « un problème éthique ». L’Afrique du Sud, pays aux multiples traducteurs, est aussi celui qui a développé le plus les formes de séparation fondée sur des critères ethniques. La question des textes est nouée à la question des terres, la question des langues à celle de l’exclusion des peuples. Quand la traduction présuppose et affirme une commune humanité langagière, l’apartheid la nie. D’où l’urgence de reconsidérer l’immense aire (multi)linguistique africaine, sable de Babel, textualité proliférante, de la rumeur à la chanson et au roman.