Une revue de surf prestigieuse demande à Fletcher, photographe
qui a eu son heure de gloire, d'aller prendre des clichés
de Drew Harmon, un ancien champion, dans un coin secret de
Californie du Nord où les vagues sont si énormes qu'on le
surnomme Heart Attacks. Deux jeunes surfeurs accompagnent
Fletcher. Harmon, colosse brutal et obnubilé par les vagues, vit
avec sa femme Kendra, un être fragile et étrange, qui le
soupçonne d'avoir assassiné sa jeune maîtresse.
Le Sabot du Diable mêle avec bonheur l'intrigue, la mystique
du surf, les paysages grandioses et pratiquement vierges du
Pacific Northwest et les conflits qui peuvent naître du voisinage
entre communautés blanches et réserves indiennes. Mais,
comme pour Surf City (Série Noire n° 2395), Le Sabot du Diable
vaut par les relations étroites qui unissent le thème du raté
contraint de se dépasser pour ne pas couler et celui du surf en
tant que symbole de l'existence humaine.
Dans ce roman, le mystère est presque accessoire : les
vagues sont démesurées, il faut marcher des journées entières
dans une nature hostile et pratiquement vierge pour y accéder,
le brouillard et le froid sont omniprésents, et les forces
spirituelles et magiques, dont Kendra est à la fois la victime et
le vecteur, renvoient à la quête d'absolu dont le surf est
également une manifestation. Et l'absolu est bien là, à tous les
instants, car Fletcher dit quelque part que photographier un
surfeur dans le tunnel d'une vague, c'est saisir une image
unique, une configuration de l'univers qui ne s'est jamais
produite et ne se reproduira jamais.