Souvenirs de ma vie.
II. Le second rang du Collier
« Quelqu'un marche pourtant, au loin, venant de l'avenue de Neuilly : un homme, qui s'avance lentement et d'une allure singulière. Il longe le fossé et, sur le trottoir, qui de ce côté-là n'est pas pavé, pétrit la boue jaune sous ses pieds. Un chien marche devant l'homme, un assez grand chien à longs poils et horriblement crotté. Il va, le nez sur une piste, la queue basse, frangée de boue et frôlant le sol... Pourquoi l'homme marchait-il si près de ce chien, qui n'avait pas l'air d'être son chien ?
Tout à coup, la distance diminuant, je reconnus le promeneur : c'était Charles Baudelaire.
Il venait chez nous, certainement, mais quelle idée avait-il ?
Je crus comprendre que Baudelaire cherchait à lui marcher sur la queue, non pas dans une méchante intention, mais, sans doute, pour jouir de la surprise et de la frayeur de l'animal, pour voir ce qu'il ferait.
Il le vit !.... »