Les admirateurs et les amis de Victor Hugo, qui ont entrepris d’écrire son histoire, n’ont jamais songé que, pour l’intelligence d’un poète qui associe aussi étroitement et aussi constamment que lui l’idée à la sensation, le détail de la vie matérielle a une importance hors de pair. Non seulement ils ne nous apprennent rien sur ses habitudes physiques, sur son impressionnabilité organique et cérébrale, sur ses facultés de perception et d’observation, mais encore ils écartent toute chance d’explication psychologique, en nous laissant ignorer à quels événements particuliers et à quelles réactions intimes correspond chacune de ses œuvres...
Victor Hugo voit et entend. Le regard qu’il jette sur la nature est large et profond ; son œil saisit le détail infini et l’ensemble des formes, des couleurs, des jeux d’ombre et de lumière. Son oreille perçoit les bruits vastes, les rumeurs confuses et la netteté des sons particuliers dans le chœur général. Ces perceptions diverses, qui affluent incessamment en lui, s’animent et jaillissent en images vivantes, toujours précises dans leur abondance sonore, toujours justes dans leur accumulation formidable ou dans leur charme irrésistible. Qu’importent les scories qui se mêlent à cette lave ! Elles s’y consument et s’y engloutissent.