Le sens de l'espace au Japon, c'est le déploiement du monde japonais, de la terre d'un certain archipel à la manière dont le moi s'y définit dans son rapport avec les choses et avec autrui. C'est l'organisation des parcours dans un jardin-promenade, l'agencement des pièces dans l'ancien palais du shôgun à Édo, mais aussi certains principes managériaux des grandes entreprises, l'apparente absence du sujet dans certains poèmes, les repères situationnels de la morale ordinaire, et jusqu'à la remise en cause au XXe siècle, par la «logique du lieu» nishidienne, du principe d'identité qui fonda l'inférence rationnelle chez Aristote. En effet, chaque société crée son espace dans un sens qui lui est propre, et qu'analogiquement elle déploie dans tous les domaines de son existence; mais en outre, la spatialité japonaise a ceci de particulier qu'elle a construit un paradigme existentiel: un paradigme de la vie même, à l'opposé du mécanisme de la modernité occidentale. On en tire ici les leçons pour une architecture naturelle, en prise concrète avec les sens de notre corps dans le paysage.