Le XIXe siècle a vu la genèse de la linguistique moderne et cette genèse a été essentiellement le fait de savants allemands. Certains historiens y voient avant tout l'apogée du comparatisme avec entre autres Fr. Schlegel, Fr. Bopp, A. Schleicher et K. Brugmann, tandis que d'autres insistent sur l'héritage de W. von Humboldt et de la « forme interne » (innere Sprachform) des langues du monde, consubstantielle au « génie » des peuples qui les parlent. Au-delà de H. Steinthal, Fr. Misteli, Fr. Müller, G. von der Gabelentz et H. Schuchardt, cet héritage n'a finalement pu s'épanouir qu'aux États-Unis au début du siècle suivant avec Fr. Boas et E. Sapir.
L'auteur s'interroge sur les raisons de cette exceptionnelle fertilité scientifique, notamment après 1870. Mais c'est dès 1810 que Humboldt, linguiste et homme d'État, fonde l'université de Berlin et amorce le renouvellement des sciences de l'esprit (Geisteswissenschaften), encouragé par l'émergence d'une bourgeoisie éclairée (Bildungsbürgertum) qui confie aux universités ceux de ses enfants qui ne sont pas destinés au négoce.
Après une présentation détaillée de cet arrière-plan politique et culturel, l'ouvrage analyse l'oeuvre de quinze linguistes de premier plan et quatre questions qui ont occupé plusieurs d'entre eux, avant d'éditer des fragments exemplaires de Humboldt, Schleicher, Steinthal, Schuchardt et Gabelentz.