Le Silence des rives
Autour d'elle, un silence épais a remplacé le vacarme assourdissant des obus allemands et des cris de panique. Toinette lance alors un appel au ciel : « Papou ! Papou ! » Mais Papou est resté sur l'autre rive, inatteignable à cause du pont rompu. Sans rien saisir au tragique de la situation, Toinette s'accroche au couple qui vient de lui sauver la vie. Mais dans le tumulte du bombardement, celui-ci ne s'est pas aperçu que la petite était différente...
- C'est que... c'est pas une enfant comme les autres. Enfin, je veux dire... Elle est pas ordinaire. Elle a besoin de moi.
- Entrez.
La dame qui se lève et contourne son bureau quand les deux fillettes entrent est grande, forte et a des lunettes à monture noire. Ce n'est pas quelle ait l'air méchant, mais son chignon serré bas sur la nuque, sa jupe épaisse qui lui descend à mi-mollets et sa voix forte les impressionnent. Elle s'efforce de les accueillir gentiment mais ses yeux sont fatigués, ses joues ridées et son sourire complètement figé. D'emblée, elle regarde Toinette et s'exclame :
- Ah !
- Les sœurs de Saint-Joseph n'ont pas donné grand-chose, dit l'homme. Elles sont arrivées avec ce quelles ont sur le dos, rien de plus.