«Ce mardi 6 février 1973, vers 19 heures 15, pendant que ma soeur était
censée travailler ses gammes au Conservatoire, je voulais juste disparaître,
en chien de fusil sur l'édredon, mais comme dans l'appartement, il n'y
avait personne pour confirmer que j'étais chez moi, alors on n'a pas voulu
croire à mon alibi et on m'a soupçonné d'avoir brouillé les pistes exprès,
parce que vingt minutes de solitude, à ce stade de l'enquête, c'était juste
un trou noir dans mon emploi du temps et, à onze ans moins des
poussières, ma parole contre la leur, ça comptait pour presque rien.»
Après Le Théoriste et son narrateur cobaye d'une expérience de laboratoire,
Yves Pagès revient sur le territoire de l'enfance dans la peau de
Romain, un fugueur halluciné. C'est dans l'oralité d'une langue juvénile,
les images volées aux films cultes de l'époque ou les voix off d'un esprit
contestataire, qu'il puise des trésors d'imagination et d'humour pour
déjouer les leurres du «soi-disant» principe de réalité.