Quand j'ai quitté la Grèce, je n'étais qu'une jeune adolescente. C'était l'époque de la dictature des colonels ; le temps « de la tristesse et de l'exil ». Privé de mon pays, j'ai compris tôt que ma vraie patrie, la seule qu'on ne pouvait me prendre, c'était ma langue. Alors, je me suis mise à composer de la musique sur les textes des poètes que j'aimais. Il y en avait un parmi eux dont l'éblouissante lumière éclairait particulièrement ma route : Odysseas Elytis.
Ses mots ont peu à peu irrigué mon chant. Les lectures de Maria Néféli, Le Monogramme, Parole de juillet, pour ne citer que ces trois oeuvres, furent des tournants dans ma vie. Et c'est aussi grâce à Odysseas Elytis que j'ai composé Sappho de Mytilène, puisque ses traductions en grec moderne m'ont permis d'approcher la beauté des poèmes de sa « cousine lointaine » comme il disait.
Les poèmes que j'ai choisi de traduire dans cette anthologie ont été écrits entre 1940 et 1991 : ils proposent donc un
parcours de cinquante ans à travers l'oeuvre d'Odysseas Elytis. Ce ne sont pas nécessairement ceux que j'ai mis
en musique mais ils m'accompagnent depuis toujours et m'aident à vivre. J'ai donc délibérément abandonné l'ordre
chronologique pour privilégier le désordre amoureux. Une invitation au voyage dans l'archipel de celui que l'on
considère souvent comme l'un des plus grands poètes contemporains.
Je sais que tout cela n'est rien et que la langue que je parle n'a pas d'alphabet
Puisque aussi bien le soleil que les vagues ne sont qu'une écriture syllabique que tu ne déchiffres qu'au temps de la tristesse et de l'exil
O.E.