«Lalafalloujah», tel est le surnom donné par les
GI's à la ville irakienne de Falloujah en 2004, alors qu'ils
bombardaient ses rues de hard rock à plein volume.
«C'était comme envoyer un fumigène», dira un porte-parole
de l'armée états-unienne. Les années 2000 ont
en effet vu se développer un usage répressif du son,
symptomatique de la porosité entre l'industrie militaire
et celle du divertissement, sur les champs de bataille et
bien au-delà. Rap, metal et même chansons pour enfants
deviennent des instruments de torture contre des terroristes
présumés. Des alarmes directionnelles servent de
technologies «non létales» de contrôle des foules dans
la bande de Gaza comme lors des contre-sommets du
G20, à Toronto et à Pittsburgh. Des répulsifs sonores
éloignent des centres-ville et des zones marchandes les
indésirables, adolescents ou clochards.
L'enrôlement du son dans la guerre et le maintien
de l'ordre s'appuie sur plus d'un demi-siècle de recherches
militaires et scientifiques. La généalogie des armes
acoustiques, proposée ici pour la première fois en français,
est tout autant celle des échecs, des fantasmes et des
projets avortés, que celle des dispositifs bien réels qui en
ont émergé. Aujourd'hui, l'espace sonore est sommé de
se plier à la raison sécuritaire et commerciale. Souvent
relégué au second plan au cours du XXe siècle, celui de
l'image, il est devenu l'un des terrains d'expérimentation
privilégiés de nouvelles formes de domination et
d'exclusion. Et appelle donc de nouvelles résistances.