Ma mère avait ouvert une bouteille ; pour le repas dominical c'est normal. (...)
C'est alors qu'on l'a regardé. Ma mère a dit «mon Dieu !» On s'est tous levés d'un coup. Quelle tête il avait !
Ma mère m'a regardée : «Appelle les pompiers !» J'ai pensé : pourquoi moi ? pourquoi toujours moi ? Mais ça n'était pas le moment. J'ai vérifié qu'il respirait. Pour savoir quoi dire aux pompiers. Oui, il respirait. (...)
Je dis aux pompiers que mon père va mourir. C'est pour qu'ils apprécient le degré d'urgence. C'est la énième fois qu'on les appelle parce que mon père meurt. Ils finiront par se lasser.
Ce dimanche-là, elle s'était juré de ne pas assister au sacro-saint déjeuner familial, mais après tout c'était l'anniversaire de son père, malade en sursis, et peut-être même le dernier.
Et justement, quelques heures plus tard, les voilà tous, la narratrice, son frère, sa sœur et leur mère, à compter les soupirs du père agonisant, un pour chaque bougie, pensent-ils.
Dans l'attente de l'heure fatidique, chacun se révèle dans la plus cruelle nudité, jaugé par le regard impitoyable de l'héroïne. Cette jeune fille qui se croit transparente, qui n'a jamais d'avis, jamais d'amant et à qui l'on a volé son prénom.
A travers le récit de ce huis clos familial, Isabelle Minière signe un roman grinçant et drôle à la fois. Un vrai régal.