Le temps liquide
Comment ne pas être ému par « Le voyage de Clermont-Ferrand », en point d'orgue du recueil, rencontre dans un train où se joue ce vertige d'identités jusqu'au deuil du fils aimé ? Et au mot du jeune Oumar qui passe au « tu » comme un fils nouveau ou ressuscité ? Juste avant le cauchemar où l'auteur voit son squelette sortir de sa propre peau, comme dans une vanité quotidienne. La veine autobiographique palpite dans ces récits, et dans le dernier, avec le nom même de Nimrod...
Le premier récit, à Venise où « jamais un bain d'iode n'abolira le hasard », annonce la navigation de nos destinées, avec ou sans dés, qui remuent et stagnent, courent entre l'extrême beauté et l'extrême laideur, même quand les anges donnent rendez-vous aux carrefours dans l'impudeur inqualifiable de l'harmonium et que l'horizon des Sahéliens « résonne avec la poussière »... Les tesselles de cette mosaïque des quatre éléments sont placées avec tellement d'humour, aussi, et de bonheur.
La vraie profondeur, c'est ce que l'écrivain monte et montre à la surface. Au fil du temps, au fil de l'eau, au fil de l'écriture et de la vie.