"L'orchestre des damnés s'était installé en fin d'après-midi.
Il attendait son heure, patient sous ses capuches. La république
l'avait précédé à l'entrée du quartier. Derrière les blocs de béton
qui ferment la zone depuis dix huit mois.
Elle s'accordait à d'autres diapasons, déterrés par malice dans
d'anciens champs de coton. Elle ajustait sa robe de soirée.
Ses cars blancs, ses milices bleues et ses matraques rouges.
Ce fut d'abord l'éclat et puis les cliquetis du verre. Les ampoules se
répandirent en milliers de fragments tranchants sur les trottoirs
complices.
Imitant ces ombres fracturées qui errent dans les dédales du ghetto
français, les réverbères succombaient, l'un après l'autre, brisés
sous l'impact des boulons et des pierres.
C'est ainsi par chez nous que débutent les cérémonies d'adieu.
Alors il faut bien se raconter quelques histoires avant de crever."