La création est un acte de travail. Depuis l'élaboration de l'oeuvre
jusqu'à l'organisation des activités en marchés, en professions, en
relations d'emploi et en dispositifs d'évaluation, un même principe
régulateur agit : l'activité créatrice est de part en part fécondée par
l'incertitude. Le travail n'est gratifiant pour l'artiste que si son
déroulement demeure surprenant. Les professionnels, les critiques
et les publics procèdent à d'incessantes comparaisons pour
identifier les qualités des artistes et des oeuvres, faute de savoir
comment déterminer leur valeur absolue. Les marchés gèrent par la
surproduction la recherche de l'originalité profitable.
Cet ouvrage met en place un cadre théorique d'analyse de l'action
en horizon incertain, puis l'applique aux arts. Des différences
considérables de succès peuvent-elles résulter de différences minimes
de talent ? La catégorie du génie est-elle soluble dans la critique
sociologique ? Pourquoi les inégalités présentent-elles le même profil
dans les arts et dans les sciences ? Si l'offre augmente toujours plus
vite que la demande, faut-il conclure que les artistes sont les
funambules du déséquilibre, et que les mondes artistiques gagent
leur développement sur les paris de ces «fous rationnels» ? Avec quelles
contreparties ? Que gagnent les professionnels à s'agglomérer dans les
grandes métropoles ? Comment le principe d'incertitude gouverne-t-il
l'action culturelle publique ? Comment une oeuvre peut-elle être
admirée pour son inachèvement ?