Entre la fin du XVIIe et le XIXe siècle, la France a déporté à elle
seule plus d'un million d'Africains de l'autre côté de l'Atlantique,
dans les îles à sucre de la Caraïbe, notamment à Saint-Domingue,
considérée avant la révolution haïtienne comme la plus riche colonie
sur terre. Elle l'a fait longtemps de manière légale et codifiée,
puis clandestinement durant la période de la traite «interlope»,
dans la première moitié du XIXe siècle. Mise en lumière par les
historiens, l'économie atlantique triangulaire qui relait la France
à l'Afrique et à la Caraïbe, alimentée par la traite négrière, est
désormais bien connue du public. En revanche, l'impact culturel
de la traite sur la vie intellectuelle française, et la culture même de
la traite, le sont beaucoup moins. C'est tout l'enjeu de cet ouvrage,
véritable somme dans laquelle Christopher Miller, dans une vaste
enquête qui mène le lecteur tout autour de l'Atlantique, passe au
crible de l'analyse non seulement le «système» triangulaire, mais
aussi les grands textes littéraires sur la traite, de Voltaire à Césaire,
Condé et Glissant, en passant par le théâtre d'Olympe de Gouges
et la littérature maritime de Corbière ou Mérimée. Il nous dévoile
les ambiguïtés de l'abolitionnisme et s'intéresse aux multiples ramifications
culturelles de la traite - historiques, littéraires et cinématographiques
- depuis le siècle des Lumières à nos jours, en métropole
et dans les anciennes colonies françaises, y compris en Afrique.