Popularisé par Jean Ray - qui n'a pourtant pas créé le
personnage - et les éditions Marabout, le détective Harry Dickson a
trouvé en Gérard Dôle un de ses plus brillants continuateurs, comme on
peut en juger, depuis 1984, avec la publication de nouvelles aventures.
Le Vampyre des Grampians recueille neuf nouvelles totalement
inédites. Dans ces histoires mêlant fantastique et enquête policière, tout
y est de ce qu'on attend du récit dicksonien : une Grande-Bretagne figée
à jamais dans les brumes, apparences trompeuses et apparitions grolesques,
masques animés avec peut-être rien derrière, le rouge du
théâtre et du sang, personnages insolites et surannés, fraternités interlopes,
géométrie extravagante où, passé la porte d'un cabanon de jardin
londonien, on débouche dans un vaste temple oriental dont les colonnes
se perdent dans la nuit des voûtes, meurtres sans rime ni raison, tueurs
improbables comme cette marionnette brisant ses fils pour mieux planter
ses dents dans la gorge d'un badaud. Et puis, il y a la touche personnelle
de Gérard Dôle qui introduit dans la plupart des récits ses
musiques maléfiques. Chez lui, le spectacle dicksonien est avec fosse
d'orchestre et les sons concourent au déroulement de l'intrigue. Pour
mieux diriger ce concert diabolique, l'auteur apparaît fugacement, figure
du Destin, sous l'apparence de l'Homme au singe, une réminiscence
de l'époque lointaine où il chantait aux terrasses des cafés de Saint-Germain-des-Prés
en s'accompagnant à l'orgue de Barbarie, assisté d'un
macaque furibond battant la mesure de ses longs bras griffus.