Voici donc l'histoire de Jean-Baptiste Taillefer, fils
d'Urbain et de Victorine. Depuis la mort du père,
l'homme vit seul sur ces garrigues d'asphalte pilées,
perchées au nord de Saint-Justin, derrière le plateau de
la Jasse, dans une gerbe d'herbes perdues et de genêts
millénaires. Il ne sait pas grand-chose des femmes, à
part ce qu'il en a vu sur les calendriers de motoculteurs
et de tronçonneuses offerts à son père par un boutiquier,
avec deux cents kilos d'aliments pour les poules
et un peu de poudre pour conserver les pommes de
terre. Mais il va apprendre à les connaître, à les aimer, à
les perdre aussi en se perdant lui-même dans un monde
rural destiné aux plus invraisemblables mutations. À
cause du soleil et des effluves marins, à cause d'une
bande de couillons qui confondirent la couleur du
bonheur avec celle de l'argent.