« Premier jour, 8 juillet 2020, 9 h 15.
Je quitte le camp 1, presque à regret, car la pente se redresse (nota : dans les récits des vraies expéditions, la pente se redresse toujours au-dessus du camp 1). Cette approche tout en tension, phénomène bien connu des spécialistes, tire sur mes réserves. Heureusement, le camp 2, prévu dans un talweg, est en vue. Je bascule sur la pelouse alpine - enfer, le mouvement précipite mon sac ; je me retrouve telle une tortue retournée à gigoter des pattes, tentant de défaire la sous-ventrale afin de me dégager de ce mauvais pas. Ouf ! j'y parviens, non sans mérite. Comme on le dit dans les récits d'ascension : sa volonté inoxydable (ou inébranlable ? ) lui permit de surmonter le terrible passage. J'ai choisi avec soin l'emplacement du camp 2, où je bénéficie d'une vue remarquable sur la face nord (celle avec l'émail intact) du chicot de l'alpage. Le calcaire luit entre les mélèzes. (Quelques amis à qui j'avais confié mon projet sous le sceau du secret s'en étaient étonnés - du moins ceux connaissant l'endroit : « Quelle drôle d'idée ? Il y a bien assez de voies autour... » Des jaloux, des béotiens, des analphabètes du calcaire...) »
Les tribulations d'un sexagénaire sur le plus beau calcaire du monde
La face nord d'un chicot planté au milieu d'un alpage peut receler, cachées par les mélèzes qui y ont pris gîte et couvert, des dalles calcaires se prêtant à une escalade décontractée. Notre rencontre était inévitable. Ce livre est le récit véridique et peu vraisemblable de cette épopée : un mélange de réflexions distanciées sur la pratique de l'escalade et d'ironie désabusée, agrémenté d'une bonne dose d'autodérision.