Le voyage comme source de connaissance et d'utopies aux XIXe et XXe siècles
L'aspiration au voyage sous toutes ses formes, matérielle, géographique mais aussi
fictive, celle qui se matérialise dans le roman d'aventure ou utopique, n'est certes pas
nouvelle et elle renoue, au XIXe siècle, avec les utopies prospectives et rétrospectives
issues de la fin du XVIIe siècle et du Siècle des Lumières. C'est à la fois le voyage dans
l'espace et dans le temps. Le voyage dans l'espace commun du déplacement
parcourt les forêts, les fleuves, les océans et les déserts, le cosmos à la recherche de
ce qui est différent, nouveau, de ce qui peut être un modèle. La conséquence de ce
voyage matériel est la connaissance et l'idéal utopique, une trajectoire ascendante
supposée mener vers l'enrichissement intellectuel ou l'instauration d'une société
exemplaire. Mais le voyage dans l'espace répond aussi à des motivations moins
avouables lorsque explorations géographiques et expéditions scientifiques ne sont,
tout compte fait, que des vagues successives d'appropriation, de conquête où l'utopie
est détournée : voyage dystopique ou du désenchantement qui marque la fin des
aspirations utopiques comme celui que nous transmet la production tardive d'un Jules
Verne. Dans le voyage de la connaissance et de l'Initiation, qui s'inscrit dans la tradition
héritée des Lumières, périple qui convoque à la fois la dimension spatiale et la
dimension temporelle, le voyageur traverse ses propres aventures et épreuves,
marquées par un rituel qui répond souvent à la double loi de la déception et de la
métamorphose. Le voyageur venu chercher une vérité qu'il pressentait mais qu'il ne
trouve pas car c'est celle de son désir et de sa curiosité, découvre une réalité révélée :
lui-même et le monde transformé. Le voyage immatériel comme aventure intime et
intérieure marque la fin d'un siècle qui abandonne progressivement la foi absolue
dans le progrès et la raison et qui part à la conquête d'une autre utopie : celle du
renouveau spirituel.