Bien qu'elle suscite aujourd'hui un formidable engouement, la
littérature de voyage de la Renaissance demeure trop souvent
négligée dans sa dimension textuelle. Comme elle parle du monde,
on la soumet volontiers à une forme de réductionnisme documentaire
; comme elle semble en parler avec simplicité, on succombe
aisément à la tentation des lectures superficielles. En inscrivant
cette littérature sous le signe d'Ulysse «aux mille tours», des ruses
de l'intelligence et des charmes du langage, ce livre entend révéler
la finesse insoupçonnée des stratégies d'écriture qui s'y déploient
et qui commandent un mode de lecture lui-même odysséen. Le
parcours proposé, qui mène des récits de pèlerinage à Jérusalem
aux lettres jésuites de Nouvelle France, accorde une place de choix
à l'Histoire d'un voyage faict en la terre du Bresil de Jean de Léry
ainsi qu'au Journal de voyage de Montaigne. Il aboutit à un
plaidoyer en faveur d'une lecture topographique, attentive à la
lettre et nécessairement lente. Le slow reading, en somme,
comme stratégie de résistance à l'agitation dominante.