«Dehors, il se trouva enveloppé d'un léger grésil que la bora faisait tourbillonner avant d'en cingler les maisons. La nuit incitait aux sensations vastes de liberté, de mystère, et il se mit à marcher d'un pas décidé, foulant le sol en y appuyant tout son pied qu'il soulevait ensuite jusqu'à l'extrémité des orteils afin de se décharger de toute l'exaltation qu'il éprouvait brusquement, peut-être parce qu'il s'était esquivé du café. Il releva le col de son pardessus. Personne ne le suivait, la neige mordait délicatement, et sa démarche joyeuse allait de pair avec un état d'esprit frémissant où nerfs, élans et énergie s'accordaient paisiblement à l'énergie environnante qui émanait du vent, des rues lisses comme le marbre, des maisons glacées, du canal et de l'eau du canal un peu plus loin claquant sourdement avec un bruit de gifles et dont le clapotis avait de sèches sonorités de verre.»
Trieste, hiver 1945. Un grand pianiste revient dans sa ville natale et rencontre une jeune élève qui le trouble. Enveloppé de vent et de musique, le jeu transparent et nostalgique du désir et de l'amour.
Un regard lucide, tout en arêtes, sur le temps et la mémoire.