«Qui va là ?
- Moi, je, Laurence Sterne... l'incomparable pasteur qui a envoyé sa soutane
aux mites et s'est débaptisé dès qu'il a tâté de l'encrier... ainsi défroqué
et renommé, recomposé à neuf dans mon corps verbal, vous pouvez bien m'appeler
Tristram ou Yorick mais je vous le dis tout net : je préfère de beaucoup
que vous m'appeliez l'auteur. Comme disait l'autre, je est un autre et j'en suis
l'auteur.»
Est-il possible de préméditer un best-seller ? D'être une star médiatique et
d'avoir du génie ? Le succès repose-t-il toujours sur un malentendu ?
Telles sont quelques-unes des questions posées par le destin emblématique
de Laurence Sterne (1713-1768), pasteur anglais libertin, écrivain
excentrique, inoubliable auteur de Vie et opinions de Tristram Shandy et du
Voyage sentimental admirés dès leur parution à travers toute l'Europe.
Mais au-delà de cette incroyable «success-story» littéraire et des interprétations
convenues depuis plus de deux siècles, L'écrivain le plus libre
entend surtout mettre en lumière les véritables ressorts secrets du génie
sternien : dynamitage ludique du roman familial, réactivation offensive des
auteurs classiques, subversion jouissive du temps, invention de l'«auto-fiction
vécue», satire sexuelle. Empruntant les voies successives du récit, de
l'essai, de la biographie et de la fiction (notamment à travers un long dialogue
drolatique de l'auteur avec le spectre de Sterne), ce livre montre pourquoi
Sterne a pu être qualifié par Nietzsche d'«écrivain le plus libre de tous les
temps», et prouve qu'on peut encore l'être.