Il n’y a pas d’impression plus pénible que celle de retrouver noircie par les flammes, éventrée par l’obus, souillée par la présence d’un uniforme étranger, la ville que jadis on laissa blanche et florissante, égayée par le bourdonnement d’une population industrieuse et bien vivante.
C’est une tristesse semblable que j’ai ressentie en revoyant Alexandrie, lorsqu’il y a peu de mois, j’y débarquai pour la troisième fois, justifiant ainsi, par un retour tout à fait inespéré au pays d’Egypte, ces paroles que les familles levantines ne manquent pas de dire à l’Européen qui a l’honneur d’être reçu chez elles : « Si vous buvez de l’eau du Nil, vous nous reviendrez... Buvez-en donc ! » Et l’on s’en grise, tellement l’accueil est cordial...
On objectera que, si l’Angleterre est intervenue, ce n’est pas sans avoir invité la France à s’unir à elle en cette circonstance. Rien n’est plus vrai, et il serait même plus exact de dire que c’est la France qui, par l’organe de Gambetta, parla la première à lord Granville d’une coopération armée. Mais Gambetta avait compté sans M. Clemenceau et M. de Freycinet. Quelques minutes après une discussion navrante à relire, M. de Freycinet, alors ministre, s’écria ; « Non, jamais le gouvernement ne souscrira à une intervention militaire! » Lord Granville y comptait, lui, et il n’éprouva que la surprise de se voir, si facilement, le maître d’un pays depuis longtemps convoité...