Y a-t-il eu jamais, soit pour la pensée soit pour le rêve (mais le rêve aussi est une pensée) un plus vaste champ que celui qu'ouvre ce mot fascinant, l'Égypte ? Dans ce nom gisent des civilisations aussi irrémédiablement disparues qu'elles furent grandes, à l'époque pharaonique ou à celle de l'Alexandrie hellénistique et romaine puis au temps de l'essor de la culture islamique ; mais se présente aussi en ce qu'elle a de plus vif la forme moderne de celle-ci, sauf que c'est alors la complexité de la société arabe, de sa géographie, de ses arrière-plans dans tout l'Orient méditerranéen [...]
Les relations qu'ont eues dans les deux ou trois derniers siècles l'Europe des Lumières et l'Égypte une et multiple, ces relations que tout ce passé de documents si variés préserve, eh bien, cela aussi c'est comme une grappe, et une promesse de suc. Une grappe qu'il faut presser pour mieux percevoir et comprendre l'autre grande vigne, là-bas dans le temps ou l'espace, et mieux préparer avec nos amis égyptiens ce qui devrait être un avenir partagé [...]
Puisse ce livre montrer que dans le regard de l'Occident sur l'Égypte il n'y a pas eu que convoitise ou désir de domination mais l'affection et le besoin de comprendre, de partager ! Si ce voeu est exaucé, à l'échelle où les livres ont leur efficace, certes réduite, je suis sûr que Daniel Lançon en sera heureux. Lui qui sait que l'histoire littéraire n'est rien si elle n'aide pas à déjouer les conflits qui grèvent les sociétés et en assombrissent l'avenir.