Plus que jamais, sans doute, nous avons besoin de stratégies
critiques pour l'émancipation. Or, lisant la philosophie des deux
derniers siècles, on découvre les attitudes les plus contrastées
dans ce domaine. Kant, qui définit les Lumières comme «la sortie
de l'homme de la minorité dont il est lui-même responsable»,
incite son lecteur à devenir adulte. Par contre, Deleuze (seul ou
avec Guattari) met en avant un devenir-mineur et insiste sur un
devenir-enfant qui soit un devenir-force.
En même temps, cette opposition immédiate de Kant et Deleuze
esquive tout ce qui a mené de l'un à l'autre. Lorsqu'on reprend le
fil qui les lie, des figures inattendues surgissent : Sartre, Bataille
et Foucault deviennent alors les personnages d'une histoire tissée
autour de Baudelaire, par rapport auquel les trois philosophes-écrivains
prennent des positions radicalement divergentes. Si on
veut donc comprendre ce qui semble être le renversement du
devenir-majeur kantien par le devenir-mineur deleuzien, c'est ce
parcours qu'il devient nécessaire de reconstituer. À la fin, on aura
reconstruit quelques stratégies émancipatrices, utiles pour nous
aujourd'hui.