Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, l'embaumement des cadavres était
réservé à une élite du sang et de la fortune soucieuse d'échapper
à la dissolution ordinaire. Aujourd'hui, en France, plus de la moitié
des corps reçoit des soins de thanatopraxie dispensés par des
professionnels afin de retarder la décomposition et d'organiser
sereinement les funérailles.
Entre ces deux régimes de conservation, le XIXe siècle offre une
parenthèse singulière. C'est dans sa première moitié que naît et
s'affirme l'embaumement romantique : un désir éperdu de préserver
des corps éternellement intacts, revendiqué comme un aspect
légitime du culte des morts et inséparable de l'apparition du cimetière
moderne et de ses concessions perpétuelles. L'embaumement
connaît alors une vogue aussi extraordinaire que brève et amorce
une diffusion dans la bourgeoisie urbaine. Mais cet engouement
suscite une concurrence féroce entre médecins et non-médecins qui
se disputent le marché dans une guerre à la fois technique, commerciale,
socioprofessionnelle et déontologique.
C'est l'histoire de cette passion, de sa naissance, de son épanouissement
et de son désenchantement que ce livre entend restituer en
la replaçant dans l'histoire plus large des sensibilités collectives
face à la mort et au cadavre.