Embuscade
L'embuscade, roman posthume achevé en 1958 et publié pour la première fois en 1978, s'inscrit dans la veine guerrière de Fenoglio. Il retrace un épisode, parfaitement circonscrit, de la guerre civile qui opposa, au cours de l'été 1944, partisans badogliens et fascistes. La ville de Valla qu'il faut reprendre à l'occupant acquiert une valeur mythique pour le petit groupe de résistants qui se cache dans les collines des Langhe et vit une pesante attente, coupée de quelques combats meurtriers. Cette alternance de moments paroxystiques et de temps morts permet à l'auteur de camper des personnages contrastés, de provenances diverses, luttant également pour des raisons diverses. Les dominant tous par une souveraineté naturelle, Milton agit seul, poussé par de hautes exigences personnelles et par le désir de venger son père abattu par les Allemands. Sa mort, inéluctable verdict du fatum, lui donne la dimension d'un héros de tragédie grecque. Quant à l'intrigue amoureuse qui lie un officier fasciste à la jeune et séduisante maîtresse d'école de San Quirico, elle n'est pas là pour donner une note de romanesque facile au compte rendu historique, mais constitue le noeud même de la tragédie. Bien qu'inachevé, ce roman n'offre aucun blanc, progresse par une suite de flash-back percutants et se referme harmonieusement sur lui-même.
La précision et la sobriété stylistique propres à Fenoglio font de ce texte - dont il disait à son éditeur, en dépit de sa modestie : « Ou je me trompe, ou ce livre est d'un grand intérêt » - l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature contemporaine.