L’expression « communauté internationale » est victime de son propre succès. Son caractère rassurant - qui évoque une conception harmonieuse du système international par la mise en valeur de ses forces unificatrices - en a fait l’instrument favori des savants qui enquêtent sur la logique interne de la société mondiale et de tous ceux qui cherchent, même en dehors des sciences sociales, à rallier l’opinion publique à une cause réclamée « universelle ». De nos jours, on fait souvent « appel à la communauté internationale », on s’insurge contre des actes « portant atteinte aux intérêts » de celle-ci, on parle ou agit « en son nom »... Malheureusement, cet emploi généralisé a fini par brouiller le sens exact de l’expression : la notion de « communauté internationale » apparaît déterminée autant par les idéaux et les intérêts de celui qui l’invoque que par l’objet ou les buts qui l’ont décidé à y faire appel. Dans le cadre d’une recherche portant sur le droit des gens, l’expression constitue donc un point de départ à la fois attrayant - puisqu’il fait allusion à u n concept bien connu, autant par le juriste international que par le profane - et dangereux - parce que ambigu. La présente étude relève ce défi. Elle utilise le concept de « communauté internationale » pour chercher à comprendre certaines évolutions fondamentales de l’ordre juridique international. Après avoir proposé une définition de ce concept et décrit ses diverses manifestations dans le droit contemporain (jus cogens, obligations erga omnes, responsabilité pénale internationale, etc.), elle s’intéresse plus particulièrement au domaine, maintes fois débattu, de la responsabilité des États. Grâce à un examen attentif de la théorie et de la pratique dans ce domaine, et notamment des travaux de la Commission du droit international, l’étude propose une systématisation de la responsabilité des États pour violation d’obligations dues à la communauté internationale dans son ensemble, décrivant tour à tour le rapport juridique au niveau de la règle primaire, les conséquences de ce type de faits illicites et la mise en œuvre institutionnelle de cette responsabilité.