Par l'un des meilleurs spécialistes français de géostratégie, une thèse forte, appuyée sur une solide argumentation théorique et historique, qui éclaire utilement les enjeux de l'après-11 septembre : loin de chercher à mettre fin aux diverses formes du désordre mondial, les États-Unis les utilisent, voire les entretiennent, pour asseoir leur puissance.
Cet essai pose le problème de l'avenir de l'empire américain, à partir d'une question clé : le pouvoir des États-Unis est-il surtout économique ou, finalement, essentiellement militaire ? Pour y répondre, Alain Joxe revisite d'abord les fondements de l'État, de la République et de l'empire chez Machiavel, Hobbes et Clausewitz : c'est par la fonction de protection, y compris économique, que l'État légitimise le monopole de la force armée et éloigne la " guerre de tous contre tous ", cet état de nature dont on émerge à la fin du Moyen Âge. Or on paraît aujourd'hui y retomber, sous la forme notamment d'une religiosité fanatique politisée par des clergés abusifs dans les trois religions du Livre. En analysant ensuite l'évolution de la doctrine stratégique américaine depuis la guerre du Golfe, l'auteur éclaire les causes profondes des " petites guerres " qui éclatent partout : les États-Unis, malgré leur pouvoir, ne se soucient ni de conquérir le monde pour y faire régner l'ordre et la paix, ni de prendre en charge la protection générale des citoyens. Ils cherchent seulement à réguler le désordre par des coalitions de circonstance, en dehors du droit international. Ils pratiquent la répression des symptômes de désespoirs ou la punition des crimes terroristes, sans s'attaquer aux causes créant partout des " processus de paix en panne ". D'où l'importance, pour l'auteur, que les Républiques groupées en Europe organisent à l'échelle globale une résistance à ce " chaos impérial ".