Albert Einstein était un praticien de la physique qui travaillait
au Bureau des brevets de Berne en un moment où
les ingénieurs cherchaient à synchroniser toutes les horloges
de Suisse. Henri Poincaré était, lui aussi, un praticien que
son poste au Bureau des longitudes obligeait à réfléchir sur
la simultanéité temporelle en deux points éloignés. Ainsi
commença, au croisement de la physique, de la philosophie
et de la technologie, la révolution de la relativité.
L'un et l'autre avaient compris que pour appréhender le
monde global, il fallait déterminer s'il existait un temps pur
ou si le temps était relatif. À leurs postes, et à ce moment
précis de l'histoire industrielle, tous deux étaient idéalement
placés pour remettre en cause les conceptions anciennes du
temps et de l'espace.
Peter Galison démontre avec une remarquable clarté combien
les objectifs industriels ont enrichi non seulement la science
mais aussi la philosophie. La recherche fondamentale peut-elle
dès lors vivre sans la recherche appliquée ?