Paroles d’appelés d’Algérie
Entre 1954 et 1962, un million et demi de jeunes Français ont été appelés en Algérie pour aller faire ce qu’on appelait à l’époque de la « pacification ». Quand ils sont rentrés, la plupart se sont tus, la société, elle-même, est restée muette sur le retour de ses garçons. Au fil du temps, pourtant, le mur s’est fissuré et, par la brèche de récits individuels, d’anciens soldats ont commencé à témoigner.
Quelles conséquences ont eu ces mois passés en Algérie pour ceux qui découvrirent là-bas qu’il s’agissait bien d’une guerre ? Quelle a été leur expérience singulière et dans quel état d’esprit sont-ils rentrés ? Leurs corps, leurs pensées, leurs sentiments, leurs désirs ont-ils été transformés par cette guerre ? Quelle a été leur vie d’après ?
Les cinq hommes qui ont accepté de témoigner dans ce livre viennent d’horizons très différents : François, postier installé dans un petit village breton, à la vie simple, nourrie par le souvenir de ses camarades morts au combat ; Alain, Parisien reconverti en apiculteur dans un coin du Vaucluse qui lui rappelle chaque jour les contreforts du Djurdjura en Kabylie ; Victor, Périgourdin attaché à sa terre mais qui parcourt le monde, inlassable marcheur en quête de sens depuis la fracture algérienne ; l’homme politique Pierre Joxe, dont les engagements trouvent souvent un étrange écho dans son enfance algéroise et enfin Alexandre, installé dans le Narbonnais avec sa femme Marianne qui fut le fil le reliant à la vie pendant la guerre.
Ils ont découvert que leur mémoire était vive, incroyablement précise. Les noms d’hommes, de lieux, les situations anodines comme les moments cruciaux, tout leur revenait. Ces hommes ne représentent qu’eux-mêmes mais on pressent que le récit va résonner puissamment dans la mémoire de tous les milliers d’appelés à qui, d’une certaine façon, ils dédient, chacun, leur histoire.