Penser l'énergie de l'être, ou mieux encore l'être comme énergie - telle est la visée aussi discrète que décisive de la philosophie élaborée par Mikel Dufrenne. Il engage une refonte de la phénoménologie accomplie au prisme de l'esthétique, qui se déploie elle-même selon une phénoménologie du sentiment. Or, le sentiment esthétique est toujours la révélation d'un monde - allègre, tragique etc. - où le monde affleure en sa puissance-de-manifestation. La question est alors celle d'un approfondissement métaphysique de la phénoménologie, où le monde, c'est-à-dire la Nature, est comprise comme « Terre-mère abyssale et féconde », source productrice universelle. Cependant, comment ce qui existe indépendamment de l'homme peut-il accéder, comme tel. à la manifestation ? Comment l'humaine finitude peut-elle atteindre ce qui la précède et l'excède ? Menant de ce point de vue une réflexion épistémique cruciale, le phénoménologue chemine vers une métaphysique dont il s'agit de livrer les coordonnées, elle appelle en outre une érotique, une éthique et une politique qui en sont le legs fécond.
Ces conquêtes s'effectuent de surcroît dans une confrontation avec Merleau-Ponty, Minkowski, Heidegger et Bergson, mais aussi avec Schelling et Plotin, le préciser permet d'établir la singularité de la voie tracée, celle d'une métaphysique de l'énergie édifiée depuis une phénoménologie du sentiment.