De son enfance en Algérie, le narrateur se rappelle la lumière, la chaleur. Mais aussi le décalage qui distingue la vie stricte et pieuse d'une famille juive, et la liberté, la légèreté de la vie en métropole d'où vient sa mère. Le contraste entre un monde traditionnel et réglementé, et un monde ouvert aux infinies possibilités, aux espaces étendus, est saisissant.
Différences de milieux sociaux, de langues, de filiations, tiraillement entre l'attrait pour la France, vécu comme une forme de dépossession, de renoncement au judaïsme, et le devoir de maintenir l'ancrage initial, tout dans ce roman de formation évoque l'ambivalence et le sentiment d'illégitimité.
Lorsque la guerre éclate, le héros choisit l'Algérie française à laquelle son père ne croit pas. L'élève moyen qui ne parvient pas à avoir son bac se retrouve dans un camp de rétention, mêlé à des gens qui ne sont pas les siens, arrêté pour une cause à laquelle il ne croit plus.
Conflit insoluble : le narrateur voudrait être Juif mais il bute sur cette association des contraires. Il n'est pas si difficile de devenir professeur, il suffit d'y mettre le temps. On peut, lorsqu'on vient d'un milieu pauvre, apprendre les bonnes manières, il suffit d'observer les autres. Mais être Juif ?
Marc Sadoun est universitaire et politologue.