Peut-on encore aujourd'hui aimer Francesca, être
troublé par Ugolino, trembler aux tourments des
damnés de la Comédie ? L'Enfer de Dante, poétique
et médiéval, n'a-t-il pas pâli irréparablement auprès
des Enfers tout proches, et actifs, que notre époque
n'a pas encore fini, semble-t-il, de susciter ?
L'imagination créatrice de Dante est si puissante,
et si précise, qu'elle semble décrire par avance,
parfois, l'inimaginable horreur moderne. Le
gigantesque entonnoir de l'Enfer, qui se creuse
jusqu'au centre de la terre, est dépeint comme
le réceptacle de tout le mal de l'univers, comme
une sorte de sac où viennent s'engouffrer tous
les noyaux, tous les atomes de mal épars sur
la planète.
Mais nous lisons aussi autre chose dans L'Enfer :
plus que le catalogue effrayant des péchés et des
châtiments possibles, il correspond pour nous au
départ de l'exploration, à la première étape du
grand roman initiatique d'une civilisation qui est la
racine de la nôtre.