La langue française a été, pour le premier agrégé de grammaire issu du
Continent noir, une authentique histoire d'amour ; une histoire qui, tandis
qu'elle nourrissait son oeuvre et façonnait l'homme politique, contribuait de
façon décisive à l'épanouissement de la francophonie. Avec son complice Aimé
Césaire, Léopold Sédar Senghor s'est employé à faire rayonner la négritude
et, d'une certaine manière, à sacrer les valeurs de l'humanisme. Car le poète-président
- il souhaitait qu'on l'appelle ainsi- était un héritier africain des
Lumières, convaincu que la «civilisation de l'universel» appelée de ses voeux,
était autant un dessein politique que culturel.
Voilà donc l'homme «total», narré, ici, à la lumière de sa vie, de ses
contradictions, de ses utopies, de ses combats comme de ses tragédies. Il
traversa le XXe siècle de génie et de sang en chevauchant les obstacles les plus
fratricides, en s'immisçant dans les interstices artistiques les plus prometteurs ;
puis, avec la constance d'un sage, il trouva, in fine, aux frontières de cet
occident convulsif et prédateur, sa juste place pour prédire.
Senghor poète, Senghor prophète. Mais aussi Senghor politique. Un homme
d'exception capable de défier l'histoire tout en tombant parfois dans les travers
les plus convenus des pratiques politiciennes. Il fut, néanmoins, le premier des
chefs d'État de l'Afrique indépendante à quitter le pouvoir de son seul fait, en
laissant à son successeur Abdou Diouf, son ancien Premier ministre, un pays
largement engagé dans un processus démocratique institutionnalisé.
Suivi de documents inédits et de textes concernant Senghor et la Francophonie,
le récit de Jean-Michel Djian, largement illustré, revisite, en toute liberté, un
Senghor plus étonnant que jamais.