«À mes yeux, l'épicier, dont l'omnipotence ne date que d'un
siècle, est une des plus belles expressions de la société moderne.
N'est-il donc pas un être aussi sublime de résignation que remarquable
par son utilité ; une source constante de douceur, de lumière,
de denrées bienfaisantes ? Enfin n'est-il plus le ministre de l'Afrique,
le chargé d'affaires des Indes et de l'Amérique ? Certes, l'épicier est
tout cela ; mais ce qui met le comble à ses perfections, il est tout
cela sans s'en douter...»
«Vous voyez un homme gros et court, bien portant, vêtu de
noir, sûr de lui, presque toujours empesé, doctoral, important
surtout ! Son masque bouffi d'une niaiserie papelarde qui d'abord
jouée, a fini par rentrer sous l'épiderme, offre l'immobilité du
diplomate, mais sans la finesse, et vous allez savoir pourquoi. Vous
admirez surtout un certain crâne couleur beurre frais qui accuse de
longs travaux, de l'ennui, des débats intérieurs, les orages de la
jeunesse et l'absence de toute passion. Vous dites : Ce monsieur
ressemble extraordinairement à un notaire.»
Nouvelles extraites des tomes I (L'épicier) et II (Le Notaire) des Français
peints par eux-mêmes, encyclopédie morale du XIXe siècle en dix volumes,
L. Curmer, 1840-1842.