L'épisode humanitaire roumain
L'année 1989 fut un tournant du XXe siècle. Cette année, marquée par l'effondrement des régimes communistes d'Europe centrale et orientale, s'acheva par une révolution aussi spectaculaire qu'ambiguë en Roumanie. Ce soulèvement, apparemment populaire, a déclenché une vague humanitaire massive et brutale à l'Ouest qui se prolongea quelques mois encore après la découverte d'orphelinats mouroirs où s'entassaient des enfants, laissés-pour-compte de la politique sociale du régime de Nicolae Ceausescu.
Dans la chronologie des hauts faits de l'action humanitaire, l'épisode roumain semble presque oublié, demeurant coincé entre l'intervention provoquée par le tremblement de terre en Arménie en décembre 1988 et celle consécutive à la répression des Kurdes en Irak par l'armée de Saddam Hussein en 1991.
Pourtant, cet épisode n'est pas dénué d'intérêt pour l'action humanitaire. Il a tout d'abord ouvert ce champ à de nouvelles qualités professionnelles et modifia la « culture d'entreprise » des organisations non gouvernementales humanitaires plutôt centrées jusque-là sur des compétences purement médicales. Il ne fut pas non plus sans conséquence sur le développement ultérieur des organisations non gouvernementales locales et la difficile émergence d'une société civile en Roumanie postcommuniste.
Mais l'épisode humanitaire roumain fut surtout le moment remarquable d'une vague populaire de solidarité dont l'ampleur demeure relativement rare en Occident. Surfant sur cette vague, de nouvelles associations d'inégales capacités d'organisation et d'intervention apparurent, acheminant vivres, vêtements, médicaments ou jouets par de longs charrois de camions, camionnettes et voitures. C'est ce « porte-à-porte humanitaire » animé par de « simples citoyens », amateurs et bénévoles, comme par des humanitaires institués que cet ouvrage propose d'étudier.