Narcisse ne veut connaître que lui-même; il ne rencontre qu'une apparence. Il voudrait se voir comme un autre le voit, mais la fontaine ne lui présente qu'une image sans vie à laquelle il s'aliène. Il préférera cette image à lui-même; l'amour qu'il lui porte l'en rendra captif, dans l'instant de sa contemplation. La véritable introspection demande d'être, au contraire, attentif à son activité même, à la mise en œuvre des projets et à la réalisation de soi. Cette démarche s'effectue dans un univers qui est commun à tous; dans cet univers nous rencontrerons donc d'autres personnes.
Narcisse nous apprend, a contrario, qu'il ne suffit pas d'avoir un cœur pur; la vie de l'esprit exige une action et d'abord sur soi-même. La destinée de chacun est bien à réaliser à travers des événements réels où l'imprévu a un rôle à jouer. Il ne suffit pas de se sentir exister; il faut encore, même à travers ses propres tourments, s'engager dans l'action où là seulement on trouvera ce que l'on est. Le corps n'est pas à contempler, mais à nourrir de significations pour en faire l'instrument des conduites qui seules nous révéleront à nous-même. Ainsi le monde de l'esprit n'est pas le secret de chacun, mais le lieu d'un frémissement à partir duquel sont interrogés les chemins de la vie et les regards des personnes. La pureté de la conscience ne consiste pas à s'isoler de tout, mais à exprimer dans le monde l'unité de sa vie personnelle. Celle-ci est alors devenue la lumière qui éclaire toutes choses en ce monde.