Dans Les Ailes de plomb, Adriano Sofri revient sur la nuit du 15 décembre 1969 où Pinelli, anarchiste milanais, tomba de la fenêtre du commissariat dans lequel il était interrogé pour le massacre de la piazza Fontana. L'attentat qui avait eu lieu l'après-midi même avait tué seize personnes et fait quatre-vingt-huit blessés. On considère que la mort de Pinelli est à l'origine de l'assassinat du commissaire Calabresi dont Adriano Sofri a été accusé (en tant que commanditaire).
Le livre de Sofri est une reconstitution très minutieuse de cette journée et de ses contextes. Ce reportage dramatique qui mobilise toutes sortes de preuves est un livre d'écrivain. Sofri y interroge la langue de l'époque : la langue de l'émancipation, celle de l'insurrection. Il ne cesse de se demander : que valait-elle ? Que peut-elle valoir aujourd'hui ?
Le témoignage de Sofri est de nature à intéresser le lecteur français soucieux de comprendre ce qui a pu se passer alors en Italie et qui a donné lieu à l'une des périodes les plus sanglantes de l'après-guerre. Car son récit ne vaut pas pour les seuls protagonistes de cette ténébreuse affaire - il jette son clair-obscur sur un événement majeur de l'histoire récente italienne, sur sa postérité, sur sa valeur de paradigme historique et, par-delà, sur les relations qu'entretient encore l'Italie avec cette période où les rêves d'émancipation qui traversaient l'Europe ont pris dans ce pays une tournure dramatique.
En empêchant que la fenêtre de l'histoire ne se referme trop vite sur la mort de Pinelli, c'est bien sur notre présent qu'Adriano Sofri entrebâille les battants de son écriture.