«Barbares de l'intérieur» aux yeux des Byzantins puis interlocuteurs
respectés des Ottomans, les Aroumains se sont retrouvés en bien mauvaise
posture dans la compétition nationale initiée au milieu du XIXe siècle. Ils sont
bergers, caravaniers, artisans et commerçants mais pas paysans et leur pays
s'apparente à un curieux archipel surplombant un territoire situé au
carrefour des mondes grec, albanais et slave. L'aventure nationale que certains
ont tentée avec l'appui de la lointaine Roumanie à partir de 1864 fera long feu.
Entrés tard dans l'histoire, puisque leur présence est attestée pour la première
fois en 984, ils en sortiront brusquement en 1913, lors de la partition de la
Turquie d'Europe. Mais leur histoire ne s'arrête pas là. En effet, cette vieille
population balkanique qui parle une langue issue du latin et a longtemps
pratiqué le nomadisme pastoral revient à la fin des années 1980 sur le devant
de la scène à travers des revendications culturelles et linguistiques.
Le livre consacré par Nicolas Trifon au parcours des Aroumains dans
l'histoire commune des Balkans cherche avant tout à établir la généalogie
d'un défi. En effet, de par leur situation atypique ils représentent de nos
jours un véritable casse-tête identitaire qui court-circuite la logique des
États nations balkaniques.
Paru pour la première fois en 2005, Les Aroumains, un peuple qui s'en va
a été traduit en serbe en 2010 et en roumain en 2012. Cette nouvelle
édition comporte une postface inédite de l'auteur.