Vingt millions de fidèles chaque soir, en France. Plus de deux millions de téléspectateurs pour le moindre téléfilm. Plus de trois heures par personne et par jour : la télévision façonne largement notre univers mental. Elle colonise notre temps libre, « télémorphose » nos vies, et nourrit notre imaginaire, véhiculant une « culture de masse » qui nous imprègne tous, même ceux qui s'en défendent et la critiquent.
Face à cet état de fait, rien de plus surprenant, et de plus limitant pour le débat que notre ignorance de la réalité sociologique et des finalités de ceux qui « fabriquent » cette culture spécifique dans sa variante française.
Nous sommes ici loin de la puissante et riche industrie américaine du spectacle. Derrière nos quelques grands groupes télévisuels se cache un milieu restreint, fonctionnant dans une logique de réseaux et de connivence, modelé par l'intervention de l'État sous la bannière de l'« exception culturelle » : celui des producteurs de télévision et des petites entreprises qu'ils dirigent.
Fruit de la première grande enquête jamais réalisée auprès des producteurs de télévision et d'une parfaite connaissance de ce milieu, cet ouvrage soulève le couvercle. Sans parti pris polémique, avec un regard sociologique parfois amusé, mais toujours rigoureux, il nous permet d'appréhender les modalités de l'intervention, sur notre vie démocratique, de ces industries de l'imaginaire qui se rêvent critiques et sont passées championnes dans l'art de renvoyer au public une vision « enchantée » et positive de la collectivité nationale.
Monique Dagnaud, sociologue, directrice de recherche au CNRS, enseigne à l'Institut d'études politiques de Paris et à l'École des hautes études en sciences sociales. Elle a été membre du CSA de 1991 à 1999.