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Jamais peut-être Jules Roy n’a posé de façon si brutale et si poignante le thème central de son œuvre : la dégradation du métier des armes, symptôme de la dégradation du cœur et de l’honneur des hommes. Il situe son action en pleine guerre d’Indochine, après la mort du maréchal de Lattre, à qui tout le livre rend un hommage discret et très émouvant. Le narrateur, que l’on pourrait appeler « la raison de Jules Roy », dirige les services de propagande de l’armée à Saïgon. Il a fait affecter à ses services un commandant aviateur, Fontane, qu’il a rencontré par hasard, et que l’on surnommerait volontiers « le cœur de Jules Roy ». Cette double projection de l’auteur, et le parti romanesque qu’il en tire, n’est pas l’un des côtés les moins fascinants du livre. L’âme de Fontane est déchirée depuis qu’il a vu torturer des prisonniers viets par des services spéciaux. Le narrateur a beau lui expliquer que les Français ne torturent pas pour le plaisir mais pour obtenir les renseignements indispensables aux opérations et à la sauvegarde de leurs hommes, Fontane reste déchiré. Ni l’amour de Brigitte Orsi, ni la rassurante sensualité de la petite Laotienne, ni l’amitié du narrateur et celle de Richard Bloss, le journaliste américain, ne parviennent à le consoler. - Alors, dit le colonel Ludwig, la torture des prisonniers, quelle importance ? A nous de choisir entre savoir quelque chose et vivre, ou ne rien savoir et mourir. - La vie et la mort n’ont rien à voir là-dedans, dit Fontane. La justice est la justice et c’est tout. Je crois qu’on doit pouvoir vivre en pratiquant la justice et que le risque de mort n’est pas une excuse à l’injustice. Le lendemain, Ludwig sautait sur une mine. Le désespoir de Fontane ne lui laissait plus de répit. La fin de cette histoire ? La seule possible pour une tragédie, et qui ne résout rien...