On nous parle d'une pratique particulière à la marine anglaise. Tous les cordages de la marine royale, du plus gros au plus mince, sont tressés de telle sorte qu'un fil rouge va d'un bout à l'autre et qu'on ne peut le détacher sans tout défaire ; ce qui permet de reconnaître, même aux moindres fragments, qu'ils appartiennent à la couronne.
Goethe
Les Affinités électives
« Qu'espérez-vous de moi ? » N'est-ce pas la question silencieuse qui traverse l'analyste dans les premières rencontres avec un patient ? « Qu'attendez-vous de moi ? » C'est aussi la question du patient dans l'adresse à l'analyste, qui inscrit d'emblée le désir dans l'impatience de sa réalisation. L'analyste, certes, ne se fixe pas de but. Mais, en dépit de ses précautions, il doit bien admettre qu'une part de son être-analyste l'incite à imaginer quelques visées à la cure : des espérances sans doute, ces « belles espérances » qui animent le patient comme l'analyste et sans lesquelles aucun des deux ne s'engagerait dans l'aventure. Une aventure patiente, qui accepte d'emblée les résistances et les détours inhérents à la méthode. Combien de temps d'analyse faut-il pour que l'attente inconsciente se précise et prenne forme ? Quelles liaisons, quelles déliaisons entre l'espoir et l'attente ?
En appui constant sur la clinique, Catherine Chabert suit ce fil conducteur et déploie les différentes nuances de l'attente : attente patiente, joyeuse ou anxieuse, attente confiante ou douloureuse, selon les moments de l'analyse. Ancrée dans les états de détresse, au coeur de la sexualité infantile, l'attente est régulièrement réactivée autant par la déception et l'impuissance que par l'amour et la passion. Et le transfert est là pour révéler la force des désirs et l'attente taraudante de leur satisfaction : ses espérances.