Ce livre est nourri de midrashim, d'anecdotes talmudiques, des commentaires de Rachi, des enseignements de Samson-Raphaël Hirsch. Mais pour qui s'est nourri aux mêmes sources, le sentiment qui domine, c'est celui de la familiarité, de la connivence, de la re-connaissance, joint au plaisir de voir cette pensée se prolonger, se perpétuer et couler vivante et vive comme de l'eau de roche.
Réflexion sur la création du monde, sur le déluge - Ah ! ce « déluge pour un cure-dents » !, sur la « dissidence » d'Abraham, sur le « non-sacrifice » d'Isaac, sur la substitution de Rachel et de Léa, sur l'aventure de Joseph et ses frères... Chacun des chapitres est comme une petite nouvelle, à laquelle pourrait convenir le verset de la Génèse : « Tu pourvoieras l'arche (tevah) d'une baie lumineuse » (6,16). On sait que certains exégèses ont interprété ce verset ainsi : « Tu pourvoieras chaque mot (tevah) d'une baie lumineuse afin qu'il brille comme soleil en plein midi ». Mais Lévinas nous l'a enseigné aussi, tout ce qui brille n'est pas profond, et tout ce qui est profond ne brille pas nécessairement. Il y a, dans ce livre plus que du brio, une veine qui court et qui trouve son plein épanouissement dans le très beau texte sur l'attente placé en conclusion. L'attente de Dieu et l'attente du messie, et la nécessité de continuer à se souvenir de cette attente y compris quand tout sera accompli. Comment cette attente définit l'essence même du judaïsme, et comment dans le même temps elle décrit un parcours de l'humain, ce sont les dernières pages du livre et c'est aussi son ressort intime. L'histoire de ce texte et le lieu où il est né sont tout d'un coup transcendés et hissés à une hauteur qui leur donnent tout leur sens et toute leur portée.