La notion de «cadre» correspond-elle toujours à une réalité ? La question se pose, en effet, car de toutes parts, cette «figure sociale» assez spécifiquement française est remise en cause par les nouvelles formes d'organisation de l'entreprise et par la poussée néolibérale.
Paul Bouffartigue, qui dirige un groupe de recherche sur les cadres au CNRS, revisite ici les diverses interprétations du groupe social et en propose une conception nouvelle, celle d'un «salariat de confiance». Car celui-ci a longtemps disposé au sein de l'entreprise d'un privilège d'autonomie et de liberté d'emploi du temps, ainsi que d'un engagement de progression de carrière. Le recours à ce concept de «salariat de confiance» permet de mieux comprendre les mutations des deux dernières décennies.
Ce livre montre, en effet, que les années quatre-vingt-dix ont vu s'opérer, pour les cadres, un tournant majeur aux allures de véritable rupture. Il décrit les phénomènes qui ont altéré la cohésion du groupe : chômage, ralentissement des carrières, succès des experts, féminisation, charge de travail, banalisation de la fonction... Et, s'appuyant sur plusieurs enquêtes auprès des ingénieurs et des élèves ingénieurs, il fait la démonstration que la dissolution de la figure traditionnelle du cadre est à l'œuvre aussi bien dans les entreprises que dans les écoles. Mais dans cette dissolution, s'enracine la quête par les cadres d'une nouvelle place au sein du salariat.