«La Bruyère a étudié les moeurs de la
cour et en a tracé une satire où l'ironie est
pleine d'audace et d'amertume ; il parle
de cette cour comme d'un pays lointain,
non point tout à fait barbare, mais
où l'ivrognerie, la débauche, une plate
servilité, une fausse dévotion sont les
moindres défauts ; il raille jusqu'au roi
lui-même, jusqu'à l'idole qui, dans sa chapelle de
Versailles, recevait l'encens destiné à Dieu.
Somme toute, La Bruyère raille les hommes, mais sans
les troubler ni leur donner des leçons de foi ou de scepticisme.
Il cherche vraiment à nous rendre meilleurs, et
essaie d'accomplir sa tâche de la façon la plus agréable
possible. La lecture des Caractères fait réfléchir, sourire
plus encore ; on s'émerveille des finesses, parfois des
pensées profondes de l'écrivain ; on l'aime parce qu'il
est sans parti pris, sans système, et qu'il se contente
d'enseigner la vertu en peignant nos travers.»
Émile Zola