Premier roman de la modernité ou grand poème en prose ? Les Carnets de Malte Laurids Brigge tiennent plutôt de la mosaïque ou de la tapisserie. Au centre, la Dame rassemble toutes les autres dames, du temps jadis ou des temps modernes. Au début et à la fin, l'enfance et ses terreurs, l'Invisible devenu visible sous la forme de fantôme, et l'Invisible caché de la solitude intérieure. Entre les deux, s'entrecroisent la trame de la mort, de l'angoisse, de la maladie, de la folie, du meurtre, et la chaîne de la foi, de l'amour, du désintéressement et de la sainteté. Des figures évoluent, jeunes filles et femmes, rois et mendiants, jeunes défunts et vieilles acariâtres, tandis que passent les fantômes et que s'élève doucement un Ange qui attendra quelques années avant de déployer plus largement ses ailes dans les Elégies de Duino et les Sonnets à Orphée.