Il n'y a plus trace de rien là-bas. On a déversé des tonnes
de sable, vissé des balançoires, planté des arbres et décrété l'insouciance.
Mais la mémoire complote. Les chemins serpentent. Le
terrain fait des vagues. Le toboggan est habillé d'une tour qui
ne guette plus rien. Sous le sable de ce square parisien, il y a la
poussière et les secrets d'une prison de femmes. La Petite Roquette.
Tout le monde a préféré l'oublier. Sauf Angèle.
Nul ne lui avait jamais dit qu'elle était née ici, quelque part
sous les balançoires, le 16 novembre 1967, un quart d'heure avant
l'extinction des feux. Mais sa mère vient de mourir. Helena Danec
1945-2007. Elle laisse des lettres, un vieil article de presse, et le nom
de l'homme qu'elle aimait.
Alors le passé ne demande qu'à surgir, qu'à faire entendre
ses vertiges, sa musique, ses questions. Il voudrait comprendre. Il
emprunte toutes les voix ; celle d'Angèle, celle de Mila sa grand-mère,
celle d'un vieux journaliste qui en sait beaucoup plus long
que ce qu'il avait écrit, et même celle de l'homme qui s'est enfui.
Tous racontent l'histoire d'Helena. Son chagrin. Leurs chagrins.